La sonnerie du téléphone retentit de bonne heure d’une manière persistante.
« Qui pouvait bien être à une heure si matinale? Je me précipitai vers le téléphone et levai le combiné.
De l’autre côté de l’appareil, je reconnu la voix de grand père Itzhak qui désirait avancer l’heure de notre rendez-vous. Je me rendis chez lui plus tôt, comme convenu, et tout en s’installant avec sa femme en face de moi, il sortit de sa poche un mouchoir et soudain fondit en larmes. Je me rendis compte après quelques minutes que ces larmes provenaient du fond du cœur et non point des larmes provoquées sous l’effet d’une émotion. J’attendis, stylo en main devant ma feuille vide jusqu’au moment où la grand-mère se ressaisit, reprit son sang froid et demanda au grand père de rapporter son récit:
« Il y a quelques mois nous étions attablés pour déjeuner avec notre petit-fils Yaacov, quand la radio interrompit brusquement son programme pour annoncer qu’un terrible accident de voiture eut lieu dans le Nord du pays et que le couple qui se trouvait dans la voiture fut tué sur place ».
« Mon petit-fils eut une réaction de compassion pour les nouveaux orphelins dont le destin tout d’un coup venait de modifier le cours de leur existence. En le voyant réagir ainsi, une angoisse épouvantable et un malaise physique me firent sentir l’imminence d’un danger. En effet, après quelques heures qui nous parurent bien longues, on nous communiqua que le couple tué dans l’accident étaient bien nos enfants, les parents de Yaacov ».
Le grand-père se remit à pleurer de plus belle, et c’est la grand-mère qui reprit: « Nous traversâmes une période très pénible avec notre petit fils qui, depuis lors, plus rien ne l’intéressait: ni les études, ni les amis. Nous avons tout essayé, mais rien n’a aidé, l’enfant était plongé dans un état dépressif, le sourire s’était effacé de ses lèvres ».
« Deux mois avant sa Bar-Mitzva, son grand-père commença à le préparer; ils étudièrent ensemble la Paracha et la Haftara, les lois de Téfilin etc… Toute cette période, Yaacov me répétait: je lirai la Paracha pour te faire plaisir, mais la cérémonie ne m’intéresse pas, je ne veux pas fêter ma Bar-Mitzva sans mes parents. L’équipe d’éducateurs de son école qui le suivaient régulièrement nous conseillèrent de ne pas le forcer et de respecter sa volonté ».
« Puis… miracle… »me conta le grand-père tout en se redressant, un sourire aux lèvres: « Yaacov vint me trouver et me confia qu’il voulait fêter sa Bar-Mitzva, et faire une grande fête pour que ses parents se réjouissent d’en-haut de voir leur fils heureux. Cétait tellement bouleversant et déchirant de le voir faire des projets pour sa « grande fête » , j’étais tellement touché et ému. Mais d’un autre côté, je sentis une angoisse me serrer le cœur en pensant aux dépenses de la Bar-Mitzva. « Quel genre de fête puis-je lui offrir me disais-je, si je ne peux couvrir les frais? »
« Mais tout d’un coup, je me suis rappelé de Hasdei-Naomi. Comment ai-je pu oublier me confie-t-il? Hasdei Naomi qui tout au long de cette période atroce que nous avons traversée depuis l’accident nous a tellement soutenu. Hasdei Naomi qui nous a procuré tout ce dont nous avions besoin pour notre petit-fils aussi bien sur le plan matériel que sur le plan éducatif. Toute la protection, l’aide, l’assistance qu’on leur réclamait nous était accordées. Hasdei Naomi est au courant de l’attitude de Yaacov qui refusait de fêter sa Bar-Mitzva. Peut-être devrais-je m’adresser à eux et solliciter une fois de plus leur assistance ».
« Je ne trouverai jamais assez de mots pour décrire la fête que Hasdei Naomi a organisée pour Yaacov, me raconte la grand-mère. Les enfants de riches ne font pas une telle Bar-Mitzva! C’était un petit mariage ». Tout était magnifique: une salle somptueuse, le manger copieux et en abondance, une musique agréable, un photographe aimable; tout était tellement riche, plein de gaieté et émouvant.
Et par-dessus tout, le sourire de Yaacov. Il y avait dans ce sourire une étincelle d’espoir, de joie, dans ses yeux brillait un éclat étincelant qui éblouit tout son visage. Tout d’un coup, son visage reflétait une expression d’adulte.
Depuis cet événement qui le marqua pleinement, Yaacov n’est plus le même, il a perdu ce regard triste, éteint. Hasdei Naomi lui a rendu le sourire, la vie ».
Le grand-père insista que j’écrive tout en détails pour que tous comprennent qui est Hasdei Naomi, et c’est ce que j’ai fait.
Ce récit est une histoire vécue.
Naama Hen